Nous voilà arrivés début Octobre, il est 21h45, je trépigne d’impatience, la voiture est chargée, j’attends que ma femme rentre de son cours de gym (contrat passé avec elle lol), impossible d’attendre le lendemain matin pour prendre la route car de toutes façons je n’aurais pas réussi à fermer l’œil de la nuit, objectif : rejoindre mon ami d’enfance Régis expatrié en Allemagne depuis une douzaine d’années et qui m’a invité à passer quatre nuits sur une gravière qu’il pêche habituellement aux environs de Karlsruhe. Depuis le temps qu’il m’en parle, voilà enfin le moment de tenter ce trip et du coup pas besoin de vous dire que mon impatience est à son comble…

22h ! Ça y est, ma femme vient de rentrer et me voilà ni une ni deux partis pour affronter les deux heures de route qui me séparent de Régis et son collègue Manu déjà installés sur le poste depuis l’après-midi. Merci d’ailleurs Morgan de m’avoir tenu la causette via kit main libre sur une bonne partie du voyage, du coup c’est passé plutôt vite, où en tous cas assez vite pour me faire flasher sur une zone de travaux sur l’autoroute …. Verdict + 15 km/h et 20€ d’amende ….

Bref revenons à nos moutons, minuit, j’arrive sur les berges, Régis me rejoint, je charge le barrow et on se dirige sur le poste où Manu nous accueille avec un bon café. Mon biwy est installé un quart d’heure plus tard et on peut enfin se poser pour discuter pêche. Quatre cannes sont à l’eau, eschées avec des bouillettes indian spice, la réglementation en Allemagne autorisant deux cannes par pêcheur. Nous nous trouvons sur une gravière qu’ils ne pêchent que depuis l’année dernière et où beaucoup de choses restent encore à découvrir pour eux. Le plan est de passer deux nuits ici puis deux nuits sur une gravière qu’ils connaissent mieux car pratiquée depuis maintenant 6 ans. Je prépare mes deux cannes avant d’aller me coucher afin d’être opérationnel au lever du jour, Manu m’ayant gentiment permis de mettre deux cannes à sa place. Trois heures du mat’, on finit par se coucher avec le réveil programmé pour 6h30 afin de ne rien rater du spectacle qu’offre un lever de jour automnal au bord de l’eau.

Une fois debout, c’est l’heure d’un bon café avec explications rapides de la topographie des lieux. Il s’agit d’une gravière de 20 hectares dont l’exploitation a cessé en 1997. D’une profondeur maximale de 25m, elle sert aujourd’hui de base de loisirs à la belle saison. Côté lignes, la majorité des poissons pris durant l’année par mes deux compères l’ont été sur les bordures entre 8 et 12m de fond. A peine le temps de se préparer à aller faire un tour d’échosondeur avec mon pote Régis qu’une canne démarre en live ! Vas-y mon Jéjé elle est pour toi ! Contact et hop dans le bateau, c’est parti pour un combat dans des eaux cristallines, bref le kif total ! Dix minutes plus tard une jolie commune d’une quinzaine de kilos rejoint le triangle, excellent et plutôt de bon augure, même s’il faut noter que le cheptel ne semble pas énorme dans cette gravière d’après eux et que les conditions météorologiques avec des hautes pressions ne jouent pas forcément en notre faveur. D’ailleurs les 24h suivantes seront stériles… C’est donc l’heure de changer de lieu et de rejoindre l’autre gravière après une brève halte douche chez Manu qui habite justement entre les deux plans d’eau espacés seulement de quelques kilomètres.

Midi, nous voilà maintenant arrivés sur les bordures de la deuxième gravière avec Régis, Manu devant s’absenter pour la journée pour raisons professionnelles. Il s’agit d’un plan d’eau plutôt rectangulaire d’environ 16 hectares avec en moyenne 200m de large. Côté profondeur même acabit avec 25m au maximum. Régis connaissant le terrain, il choisit le poste à prospecter. Devant nous, une marche d’environ 5m de profondeur large d’une quinzaine de mètres avant une pente qui descend de manière très abrupte jusqu’à 25m. En face même topo avec cependant une marche qui elle oscille entre 5 et 8m de profondeur avant la cassure. La limpidité de l’eau est incroyable, aucun problème pour apercevoir nos montages à l’aide de l’aqua scope dans 6m de profondeur.  Nos quatre lignes sont placées de part et d’autre et  exploitent ces marches. Une heure après les déposes les premiers bips se font entendre sur ma canne de gauche placée dans 8m sur la bordure d’en face. Régis se marre … « t’inquiète pas mec et reste zen, ce ne sont que des « taucher » (=plongeurs en allemand). C’est la qu’il m’apprend que ce secteur est un spot très prisé des plongeurs qui viennent de loin pour certains (même délire que nous pêcheurs au final…) et qu’ils se contentent en général de longer les berges jusqu’à 10m de profondeur. Evidemment impossible pour eux de résister à leur curiosité et l’envie de toucher lorsqu’ils aperçoivent quelque chose de coloré (comme des pop-up…) dans l’eau. Bon restons zen …. Après plusieurs redéposes et ayant remplacé les pop ups très visibles par des bouillettes denses, je me dis qu’on sera plus tranquilles la nuit…. Grosse erreur ! Car comme nous, ils aiment bien pratiquer leur passion également la nuit …. Bref pas grave, cette nuit se finissant au final par un zéro pointé ! Par contre, étant déjà réveillés au petit matin la ou les signes d’activité des poissons étant les plus importants, nous nous rendons compte qu’un secteur semble abriter quelques poissons au vu des sauts que nous apercevons. Ni une ni deux nous décidons de plier et de rejoindre cette zone qui semble propice.

Nouveau poste nouvelles perspectives. Les informations dont dispose Régis sur ce nouveau secteur font état de zones plus diversifiées que sur le premier poste. Sur notre berge, la cassure est tout aussi nette en passant de 6 à 25 mètres de fond mais entrecoupée en son milieu par une marche de 4 à 5 mètres de large sous environ 12 mètres de fond. Un saut sur cette zone se produit dès notre arrivée, je ne tarde donc pas à y lancer un montage esché d’un bonhomme de neige indian spice accompagné d’un stick avant même d’aller prospecter avec le bateau pour y placer les autres lignes … on ne sait jamais ! Après une petite discussion autour d’une bonne « pils » (bière allemande pour ceux qui ne connaissent pas) concernant les spots à exploiter et les résultats déjà obtenus par mes deux compères dans le passé, départ fulgurant sur la canne que je viens de placer !  Prise de contact et hop direct dans le bateau avec Régis pour finir le combat en pleine eau et éviter les herbiers de bordure plutôt denses par endroits. Quelques minutes plus tard une jolie commune rejoint l’épuisette, parfaitement parfait ! Et une fois posée sur le tapis surprise … de petites tâches orangées sur ses caudales et sur la queue nous font penser qu’elle doit porter quelques gênes de carpe koï. Un poisson atypique et inconnu de mes amis, ça commence plutôt bien !

Une fois cette ligne retendue, nous partons prospecter et définir les spots à explorer. Deux zones propices ayant déjà produit des touches se trouvent le long de la berge opposée à environ 150 mètres de notre poste. La première est une langue de gravier d’une dizaine de mètres de large et d’une quarantaine de long qui avance dans la gravière avec une profondeur moyenne de dix mètres et qui est entourée de cassures abruptes où le fond descend rapidement à vingt-cinq mètres. Une zone assez atypique et qui se distingue vraiment du reste des bordures qui composent cette gravière. Cette langue est tapissée de petites herbes filamenteuses, du coup, et comme mes amis ont l’habitude de procéder sur ce spot,  un montage chod rig esché d’une pop-up indian spice blanche en 18mm est déposé et amorcé de bouillettes de la même gamme en 18 et 24mm (des appâts plus gros et plus lourds se dispersent moins et rejoignent plus rapidement le fond avec de telles profondeurs). La troisième canne sera quant à elle déposée plus près de la bordure sur un petit haut fond de cinq mètres de profond situé au milieu d’une zone où les profondeurs avoisinent les huit mètres et où les herbiers sont très denses (myriophylles et cératophylles) et ayant une longueur moyenne de trois à quatre mètres. Par contre le haut fond est totalement propre et composé de petits graviers, ce qui est plutôt gage de spot régulièrement visité par les poissons. Un montage combiné (composé de fluorocarbone en 40 centièmes associé à une partie terminale en tresse de 25 lbs pour optimiser la mécanique et le pivotement de l’hameçon) esché d’un bonhomme de neige Indian spice (bouillette dense de 18mm et pop-up blanche de 14mm) sera déposé sur ce spot et amorcé avec quelques poignées de bouillettes de la même gamme. Pour la quatrième et dernière canne, Régis me laisse me débrouiller, me disant que d’habitude avec Manu ils la placent également sur la marche de douze mètres située sur notre bordure et où nous avons enregistré le premier départ. Il me dit également qu’ils n’ont jamais osé placer de montage au-delà des douze mètres car comme ils ne disposent chacun que de deux cannes ils privilégient plutôt les spots productifs et qui se trouvent en général jusqu’à dix mètres de profondeur.

Après une bonne demi-heure de prospection à l’échosondeur ainsi qu’avec une canne et juste un plomb, je trouve une zone d’une trentaine de mètres carrés située sur la droite de notre poste et avec une profondeur moyenne de 15-16 mètres. Le fond est constitué de sable et de limon, à la différence des autres zones qui sont en général plutôt caillouteuses (graviers). Bon, n’ayant moi-même jamais pêché aussi profond durant mon parcours de pêcheur, je choisis de tenter le coup après tout pourquoi pas ! Coté approche, ce sera une trentaine de bouillettes Banane/kiwi de notre gamme « les fruitées » en 24 mm qui seront déposées sur la zone, bouillettes encore en phase de test à ce moment-là et dont la commercialisation a été lancée fin 2018. Côté bas de ligne toujours le bon vieux montage combiné et esché d’une bouillettes dense qui a été allégée grâce à un morceau de bille en liège. A noter que durant mon temps de prospection pour placer cette canne, j’aperçois de nombreuses bulles qui remontent sur la zone ou sont placées les deux cannes précédentes, signe évident que des poissons se nourrissent sur le secteur…

Bon une fois toutes les lignes en place c’est le moment d’installer les abris et les bed chair, chose peu aisée au vu des berges qui sont plutôt pentues par ici, avant de passer à l’apéro. Bon au vu de la météo prévue ce sera même nuit à la belle étoile pour éviter de se prendre la tête avec la pente et pour passer plus rapidement à l’apéro aussi … Une fois la première bière ouverte voilà Manu qui nous rejoint juste au bon moment après sa journée de travail, sacré Manu ! Nous profitons de ce moment entre amis où nous partageons de nombreuses anecdotes sur nos expériences passées avec quelques fous rires à la clé !

Pour la suite c’est moi qui est désigné cuisinier du soir avec au menu une de mes spécialités : des méga croque-monsieur à la française ! Pendant que je m’y hâte, l’apéro se poursuivant toujours dans la bonne humeur, la canne numéro trois située sur le petit haut fond en face démarre ! Etant toujours traité comme « guest », personne ne bouge et on m’oblige à nouveau à aller prendre contact ! Bon cela ne me déplaît évidemment pas bien au contraire ! Nouveau combat en bateau avec Régis à la manœuvre et quelques minutes plus tard une jolie petite commune rejoint le triangle. La soirée commence plutôt bien et on se dit qu’on a bien fait de déménager au final.

Bon il est l’heure de finaliser les croque-monsieur car les estomacs crient famine après cette longue journée ! Pendant ce temps Régis repart déposer la ligne et remettre quelques poignées d’appâts sur le petit haut fond où l’on vient d’enregistrer le départ.

Une fois les ventres bien remplis, Manu se charge de préparer son fameux « café bayley’s » afin de tasser tout ce qu’on vient d’ingurgiter. L’ambiance est calme et chacun s’allonge tranquillement sur son bedchair afin de contempler le magnifique spectacle d’un ciel rempli d’étoiles qui s’offre à nous, avantage certain de la nuit à la belle étoile. Alors que chacun d’entre nous s’assoupissait doucement, violent départ sur la canne de droite, vous savez celle posée dans 15mètres et eschée d’une bouillette banane/kiwi … Parfait ça l’audace à encore une fois payé ! Cette fois ci nouveau combat en bateau mais avec Manu aux rames ! Une jolie carpe miroir aux milles petites écailles viendra rejoindre l’épuisette, superbe spectacle en cette nuit étoilée, surtout que le quota de carpes miroirs prises par mes amis sur cette gravière représente environ 5% de leurs captures et que cela faisait deux ans qu’ils n’en avaient pas attrapé ici. Bref quelle chance et quelle aubaine ! Ce sera d’ailleurs la dernière touche de ce périple germanique, ce qui nous a également permis de dormir et de recharger les batteries après ces trois changements de postes en quatre jours.

Au final je n’ai qu’une hâte, revenir pour en découdre avec ces belles dans ce paradis avec ces eaux limpides.

Bonne pêche à tous !

Jérôme Lambert, ambassadeur Cap River