Bien souvent dans notre quotidien, nous sommes confrontés à des épreuves qui ne jouent malheureusement pas toujours en notre faveur à chaque fois, et parfois la force mentale et physique nous abandonne devant ces difficultés. Quand la malchance s’acharne sur nous au bord de l’eau, il est souvent très difficile de sortir la tête de l’eau. C’est à ce moment précis que l’on préfère abandonner, épuisé par ces déconvenues. Mais en redoublant d’efforts pourquoi ne pas faire un pied de nez au mauvais sort et en espérer une belle récompense.

Le rendez-vous était pris avec mon ami Guillaume pour aller découdre avec les combattantes de la rivière, mais cette fois l’envie de découverte de nouveaux biefs était grande et nous décidons alors de jeter notre dévolu sur un secteur que nous voulions exploiter depuis quelques années. Comme à notre habitude, nous jetons toujours un coup d’œil aux prévisions météorologiques avant de prendre la route, d’une part pour mettre plus de chance de notre côté par rapport au choix des spots de pêche et d'autre part pour l’aspect sécuritaire, car la partie de pêche peut rapidement virer au cauchemar en l’espace de quelques heures... de mauvais souvenirs qui nous ramènent toujours à la réalité.

Ce printemps, comme dans de nombreuses régions, a été ici très humide, orages et fortes précipitations rendent nos approches plus complexes, notamment à cause des nombreuses crues à répétition dans le secteur. Le cumul de pluie annoncé était tout à fait correct sur notre session de 4 jours, même avec une légère hausse du niveau, nous bloquons donc notre choix.

Les premiers déboires

Dès notre arrivée sur les lieux, nous repérons deux endroits nous permettant de mettre à l’eau nos bateaux afin de rejoindre un poste isolé offrant une pêche de proximité avec divers spots variés ( îles,radiers,fosses). Première mise à l’eau occupée par une équipe de jeunes pêchant le carnassier, cannes posées à fond. Par respect de leur tranquillité, on se rabat sur la deuxième solution, et après quelques kilomètres sur des chemins impraticables, nous arrivons tant bien que mal sur place. Sauf qu’une fois encore, rien ne se passe comme voulu. Une équipe de carpistes est déjà installée entre nous et le poste, des bannières tendues de partout sur la largeur de la rivière. Impossible de passer sans les déranger.

Il nous restait peut être une dernière chance, nous avions vu un autre chemin passant au milieu des champs, une voie agricole mais qui pouvait être praticable et en plus cela nous rapprocherait de notre petit coin tranquille. Repartis de plus belle, nous parvenons enfin à trouver cette fameuse route, mais après quelques minutes, notre enthousiasme allait vite retombé. L’agriculteur passant par là nous vire proprement de ce chemin soi-disant privé mais malheureusement pas indiqué… la session commençait plutôt mal.

Le ciel devenait de plus en plus menaçant, de nombreux éclairs en amont nous laissait présager un gros orage d’ici quelques heures, nous décidons alors de repartir direction le premier poste pour voir si les jeunes avaient plié bagage. A peine le temps d’arriver que la pluie commence déjà a s’abattre sur nos têtes et après concertation avec mon compagnon de pêche, nous décidons de passer cette première nuit au cul de la voiture, car les prévisions météo avaient encore changé et au vue de la grosse dépression en cours, le niveau allait certainement monté conséquemment.

Au final, la nuit fût peu humide sur notre secteur mais au petit matin, le courant était déjà soutenu, de nombreux débris en dérive, les 40 mm tombés en trois heures la veille et les quelques chevesnes, ainsi que l’absence de saut trahissant la présence de carpes sur le secteur nous avait bien refroidi pour charger et nous rendre sur la zone convoitée. Sachant qu’une équipe pêcherait juste un peu plus bas que nous, la décision était vite prise, nous changeons de bief sans plus attendre. Direction un de nos spots de prédilection, en croisant les doigts pour que les berges soient désertes. Souhait exaucé, pas un chat à cinq kilomètres à la ronde, les bateaux remplis nous arrivions enfin à bon port en début de matinée. Malgré un niveau assez élevé, une eau café crème, nous sommes enfin calés et comme on dit "il y avait plus qu’à !"

La session de pêche peut enfin commencer

Après un bon amorçage de départ toutes les cannes sont posées, Guillaume exploitant l’amont du poste avec 4 cannes, quant à moi seulement 2 cannes sur la partie aval, la première en sortie d’un gros plateau et la seconde, berge opposée dans le lit de la rivière. Nous pouvons enfin savourer un bon petit repas sous un grand ciel bleu. Mais à peine le déjeuner terminé que le temps se gâte de nouveau avec une bonne averse nous plongeant dans une petite sieste réparatrice.

Sur les coups de 17h l’un de mes delkims m’extirpe de mes rêves. Mais comme rien ne se passe comme voulu, au moment du contact, je comprends de suite que l’adversaire a pris la fuite. Il me faut attendre encore deux heures de plus pour enfin apercevoir les premiers barbillons de notre session, une commune de taille moyenne mettant enfin un peu de baume au cœur.

La nuit fût silencieuse et le réveil se fait malheureusement par un chevesne gourmand. Le débit s’est enfin stabilisé au matin, l’eau s’éclaircit légérement et les quelques marsouinages et sauts de carpes nous laissent enfin présager une tournure un peu plus poissonneuse. C’est enfin le tour du poto, il débloque son compteur avec une autre charmante coco. Une nouvelle assaillante décide de ne pas nous laisser de répit, mais le souci est que la maline a pris la descente le long de notre berge et je ne peux continuer de combattre depuis le bord à cause d’un gros arbre surplombant l’eau avec des branches immergées.

Je décide alors de monter dans le bateau et d’aller finir la bataille plus bas. Une fois encore rien ne se déroule correctement, je suis en train de passer au dessus de mes bannières sur le pneumatique quand la furieuse entreprend de remonter comme une folle le courant. En l’espace d’un instant elle embarque mes deux lignes et se prend dans l’hélice du moteur à l’arrêt. Je n’ai même pas le temps de libérer la première que celle-ci se rompt je ne sais quelle manière, et je vois impuissant ma bannière rejoindre les fonds troubles de la rivière. Le combat enfin terminé, c’est le cœur rempli de regrets que je rends la liberté à la coupable. Un montage libre peut être destructeur pour un poisson...

Ça y est le mauvais sort est de retour... Juste après la séance photo, la canne placée la plus en amont du poste avec l’aide d’un tangon démarre aussi, mais malheureusement au bout de quelques secondes la combattante a déjà rejoint le chenal et dans un obstacle rompt la tête de ligne. Là plus de place au doute, le chat noir est avec nous.

Les embûches continuent

Notre moral est mis à mal, nous avons à peine le temps de savourer les premières écailles que nous devons déjà subir de nouvelles embûches. Heureusement, Guillaume renoue dans l’après-midi avec le mucus et deux autres communes taillées pour le courant viennent flirter avec le tapis de réception. Juste un petit silure dans la nuit viendra réveiller mon ami à notre plus grande surprise puisqu'en plus de quatre années de sessions sur le secteur, nous n’en avions jamais piqué un seul. Vous me direz, il faut bien un début à tout !

Au lever du jour, ma canne déposée en plein chenal démarre plein but, au contact je comprends tout de suite que l’on ne joue plus dans la même catégorie. Ni une ni deux, je saute dans le zod mais quand rien ne va, RIEN NE VA… Le poisson remontant vivement le courant se joue de moi et parvient à trouver un bloc rocheux ou je ne sais quel autre obstacle et mon bas de ligne en fluoro de 60/100 explose littéralement. Je regagne la berge, ma motivation est partie avec la fuyarde et je n’ai plus aucune envie de me battre contre le mauvais œil. Coup du sort oblige, mon ami une heure plus tard décroche un autre poisson à quelques mètres de l’épuisette. Quelques heures plus tard, c’est de nouveau sa canne au tangon qui lui fait faux bond puisqu'il perdra une nouvelle fois le poisson. Pour lui s’en est trop, et à la fois je le comprends, tout tourne à l’envers. En plus de dix saisons je n’avais jamais connu autant de malchance en session et à force les nerfs sont mis à rude épreuve. La rupture pour moi n’est plus très loin non plus.

Il reste 24h et après un bon café, il faut un plan d’attaque. Les montages fluoro D-rig sont abandonnés au profit de bas de ligne Combi (fluoro + tresse + olivette de 10g pour pré piquage), l’esche qui est une équilibrée (dense et popup coupées en 2) est remplacée par un bonhomme de neige (24/16mm). Les piqûres des quelques poissons ayant rejoint l’épuisette montrent que le montage n’est pas optimal. L’hameçon glisse souvent vers la commissure des lèvres, il me faut rectifier le tir. Pendant que l’atelier se poursuit, j’ai pu constater que l’activité était plus franche sur la zone, et que les petits sauts au départ étaient maintenant de gros remous bien plus conséquents mais bien plus localisés sur le chenal opposé. Une fois les cannes repositionnées, l’attente peut alors reprendre, la tête remplie de questions mais surtout pleine d’espoir.

Seulement 30 minutes ne s’écoulent avant que l’un des détecteurs ne s’emballe violemment. Le montage positionné dans les 9 mètres d’eau a trouvé preneuse et une superbe commune vient me redonner le sourire. Piqûre parfaite, poisson en superbe santé, que du bonheur. La canne placée sur le plateau se met elle aussi à démarrer pour mon plus grand bonheur, non pas pour le poisson capturé, je venais de récupérer ma bannière coupée qui traînait au fond de la rivière. Je crois que je n’ai jamais été aussi content de faire un chevesne. S’étant emparé du montage perdu la veille, celui-ci s’était emmêlé sur ma ligne, et je peux enfin être rassuré de ne pas avoir laissé une laisse supplémentaire à une de nos camarades de jeu ou à un autre poisson. La chance est-elle en train de revenir ?

J’enchaîne trois autres carpes en trois heures avec une moyenne de poids en augmentation, tout peut encore arriver, les mamans ne sont pas loin je le sen. A l’heure du goûter, je me retrouve alors confronté à un poisson d’un calibre supérieur, piqué sur le tombant du plateau, celui-ci va directement berge opposée avant de remonter calmement le courant. Au bout de longues minutes interminables, c’est avec les bras tremblants que je glisse le filet autour de cette longue commune dorée. Je connais beaucoup de poissons de ce bief mais celle-ci est vraiment différente des autres de part sa morphologie, mais aussi de part cette excroissance sur la joue. YEEES , quel pur fish !!! Mon obstination enfin récompensée de la plus belle des manières, quel lingot que la nature m’offre le temps de quelques clichés. Mais ce n’était pas encore fini, il manquait quelque chose sur le gâteau, et en début de soirée la cerise allait tombé. Sur ce bief de rivière, où le cheptel n’est composé qu’en majeure partie de communes, une magnifique miroir inconnue pour moi vient rythmer cette session incroyable. C’était l’apothéose !

J’allais m’endormir des étoiles pleins les yeux, savourant enfin cette réussite tant attendue. Juste avant de prendre le chemin du retour, une dernière commune vent me souhaiter une bonne journée et conclure ainsi cette session vraiment pas comme les autres.

« Le problème n’est pas de se tromper mais de persévérer dans l’erreur en la reconduisant, une fois qu’on a pu tirer les leçons de l’histoire. » J.F Revel

« Il faut distinguer la ténacité de l’obstination : savoir insister et persévérer au bon moment, savoir aussi se retirer et renoncer quand il le faut. » S. Keshavjee

Morgan Mallet
CAP RIVER